(Nécessité pour le gouvernement de Patrice Talon de clarifier)
La question de l’accès universel à l’eau potable devient une problématique si on n’y associe pas l’hygiène et l’assainissement. C’est une lapalissade, étant donné que l’eau, l’hygiène et l’assainissement font un tout indissociable et complémentaire. En effet, si on donne de l’eau à tout le monde sans prendre en compte les conditions d’hygiène et d’assainissement, tous les efforts consentis pour amener l’eau potable seront annihilés. Autrement, l’eau potable sera là mais on va boire de l’eau polluée. Pour qu’on n’en arrive pas là, il y a des pas que le gouvernement doit nécessairement poser.
A l’édition 2023 de la Conférence des Nations Unies sur l’eau, tenue du 22 au 24 mars 2023 au siège des Nations Unies à New York, le gouvernement béninois par la voix du ministre de l’Eau et des mines, Samou Adambi est allé présenter les prouesses du Bénin dans le domaine de l’eau et les défis prochains à relever. Quelques jours avant, les Organisations de la société civile béninoises (Osc) pour l’eau ont reconnu et salué la volonté et l’engagement politique du gouvernement pour un accès universel à l’eau potable à l’horizon 2025. En effet, d’un taux de desserte en deçà de 50% avant 2016, le Bénin en est aujourd’hui à plus de 70%. « Les réformes engagées, les restructurations institutionnelles et organisationnelles, les investissements consentis et les réalisations sur le terrain ne laissent aucun doute que nous allons atteindre les objectifs, sinon presque. Le taux d’accès à l’eau potable estimé à 73% en 2021 n’est probablement pas le plus élevé de la sous-région mais si vous voyez d’où nous venons, ou là où nous sommes aujourd’hui, je pense que c’est incontestablement une prouesse à mettre à l’actif du gouvernement et principalement de son chef qui en a fait un défi et une priorité personnels », souligne Félix Adégnika, coordinateur national du Wsscc dans la déclaration lue et rendue publique par les Osc sous l’égide du Canea (Cadre de concertations des acteurs non étatiques des secteurs de l’eau et de l’assainissement au Bénin). De véritables efforts ont été faits dans le domaine de l’eau potable mais quelques problèmes subsistent. La société civile, qui est le porte-parole des populations sans voix, a relevé par exemple la discontinuité du service. En effet, « dans certaines parties de ville de Cotonou, si vous ne vous levez pas pour prendre l’eau avant 7h vous avez des difficultés à vous laver et aller au boulot à l’heure », mentionne-t-elle.
Le véritable problème soulevé
La plus grande préoccupation soulevée par les Osc béninoises pour l’eau dans le cadre de cette Conférence des Nations Unies sur l’eau, c’est l’absence de l’hygiène et de l’assainissement de base dans les priorités sectorielles. Il est aisé de constater que ces sous-secteurs sont noyés au plan institutionnel. « Aujourd’hui, vous ne pouvez pas dire quel est le ministère qui porte l’hygiène et l’assainissement. Théoriquement c’est le ministère de la Santé mais après un séminaire gouvernemental on apprend que c’est le ministère du Cadre de vie mais il n’y a pas un document officiel pour ratifier ce virement institutionnel », déplore la société civile pour l’eau. Si dans le monde l’hygiène et l’assainissement sont le parent pauvre, « au Bénin c’est un sous-secteur orphelin parce que nous n’avons pas un ministère opérationnel qui s’occupe de ce sous-secteur. Si vous prenez la sous-région, nous avons une dizaine de pays qui en ont fait une dénomination ministérielle : Ministère de l’Eau et de l’Assainissement, Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. C’est comme ça au Togo, au Niger, au Sénégal, au Burkina en Guinée… », renseigne Félix Adégnika.
Ce qui est attendu du gouvernement
De ce qui précède, le gouvernement du Bénin doit aller à l’école de certains pays de la sous-région dans le sous-secteur de l’hygiène et de l’assainissement. C’est salutaire, le vote de la loi portant Hygiène publique ; mais il faut aller au-delà. « Notre demande, notre souhait, notre cri vers les autorités politiques et administratives, c’est qu’on puisse relever le profil institutionnel du secteur de l’hygiène et de l’assainissement et qu’on puisse l’inclure finalement dans les politiques et les stratégies de développement », déclarent les Osc. Elles poursuivent : « Vu donc la déliquescence du sous-secteur hygiène et assainissement, les Osc appellent à un plan Marshal pour l’hygiène et l’assainissement de base sur trois ans afin que le défi de l’accès universel au service de l’hygiène et de l’assainissement de base pour mieux valoriser tous les investissements réalisés dans le secteur de l’eau ». Et pour finir, les Osc demandent : « Que le président de la République du Bénin identifie et soutienne l’assainissement et l’hygiène de base comme une priorité pour le Bénin et fournisse une orientation politique de haut niveau pour l’inclure dans la planification nationale et les priorités de financement ».
JB