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Entre Talon et ses prédécesseurs: Les rapports se détériorent à nouveau

1er août 2022, le peuple béninois a été témoin de la convivialité retrouvée entre le chef de l’Etat et ses prédécesseurs, à l’occasion de la célébration du 62e anniversaire de l’accession du Bénin à la souveraineté nationale et internationale. Nicéphore Soglo et Boni Yayi participaient au défilé militaire, après l’avoir boycotté, les années précédentes. Le dégel tant souhaité, après les brouilles dues à la non participation de l’Opposition aux législatives de 2019, aux communales et municipales de 2020 puis à la présidentielle de 2021, se matérialisait ainsi, à la satisfaction de tous. Aujourd’hui, que reste-t-il de cette entente retrouvée ?

 

Le maintien et les conditions de détention de Reckya Madougou et Joël Aïvo crispent à nouveau les rapports entre Patrice Talon et ses prédécesseurs. Déjà, le 03 mars dernier, à l’occasion des 2 ans de l’arrestation de Reckya Madougou, Nicéphore Soglo faisait part de sa déception de ne pouvoir obtenir la libération de Rekya Madougou depuis 2 ans. « Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Je me suis même laissé aller à des compromis dans le but de décrisper l’atmosphère des deux côtés sans succès. De vagues promesses en arguments fallacieux. Reckya Madougou, tout comme Joël Aïvo et d’autres compatriotes croupissent toujours dans les geôles de l’intolérance, de l’arbitraire et du déni parce que la loi de la force a remplacé tout simplement la force de la loi », avait déclaré le premier président de l’ère du renouveau démocratique. Ces derniers jours, des informations faisant état du refus de visite de l’administration pénitentiaire au conseil de Reckya Madougou, ses conditions de détention qui seraient corsées et la lettre de Joël Aïvo au Garde des sceaux sur la violation de ses droits les plus élémentaires ont fait sortir à nouveau Nicéphore Soglo. Sur sa page Facebook, l’ancien président raconte sa mésaventure au Palais de la Marina, le manque de considération dont il affirme être victime quand il s’y est rendu afin de plaider une fois encore la cause de Reckya Madougou et Joël Aïvo. «… j’ai formulé une demande d’audience et ai tenté à maintes reprises de le joindre par téléphone (Patrice Talon, Ndlr). En vain. Je me suis heurté à ce que l’on peut estimer être un manque de considération. Face à cette situation, j’ai pris la décision de me rendre directement à la présidence, car cela dépasse les limites de l’acceptable ce qui arrive », a-t-il laissé entendre.

L’appel de Boni Yayi

De son côté, Boni Yayi aussi s’inquiète des conditions de détention de Reckya Madougou et Joël Aïvo. Sur sa page Facebook, le prédécesseur de Patrice Talon a fait le point de la situation carcérale de Reckya Madougou, selon le rapport à lui fait par son avocat Me Renaud Agbodjo. « Depuis plusieurs semaines, l’administration pénitentiaire de la prison civile d’Akpro-Missereté inflige une série de mesures punitives à l’encontre de l’ancienne Ministre de la Justice Reckya MADOUGOU et membre du parti LES DÉMOCRATES, arbitrairement détenue.  Cette série de mesures punitives s’est vue aggravée depuis quelques heures par l’interdiction pour elle d’accéder à son conseil et de discuter librement avec lui », a écrit l’ancien chef d’Etat.  Pour Boni Yayi, l’isolement d’un détenu, privé de toute possibilité de communiquer, de toute possibilité de s’informer, de toute possibilité d’appeler sa famille et de surcroît d’accéder à son avocat est constitutif d’acte de torture.  Or, le Bénin est partie à la convention contre les tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et a d’ailleurs à ce titre internalisé dans son dispositif pénal, le crime de torture, fait-il remarquer. « J’en appelle donc en ma qualité d’Ancien Président du Bénin au sens de la responsabilité des autorités judiciaires et pénitentiaires de mon pays afin que Madame Reckya MADOUGOU, le Professeur Joël AÏVO et tous les autres détenus retrouvent automatiquement l’ensemble de leurs droits fondamentaux qui leur sont garantis par la constitution et les traités internationaux de protection des droits humains », a poursuivi Boni Yayi. Pour finir, l’ancien président « lance un appel au Président Patrice Talon à répondre aux aspirations du Peuple béninois de bien vouloir libérer sans conditions les intéressés, dans le cadre d’une loi d’amnistie, y compris le Professeur AÏVO et tous les autres détenus et exilés politiques afin que notre patrie recouvre sa Paix sans laquelle elle ne saurait réussir son émergence économique et sociale ».

Ces interventions successives des deux anciens présidents qui interpellent l’actuel locataire de la Marina sont la preuve qu’entre eux et Patrice Talon, il y a un malaise. Lequel est directement lié au maintien et aux conditions de détention de Reckya Madougou et Joël Aïvo. Et le silence, comme toute réponse, que leur oppose Patrice Talon, n’arrange certainement pas les choses.

M.M

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